Les projets d’ordonnances de la loi travail présentés le 31 août 2017 vont modifier la nature et le contenu du dialogue social au sein des entreprises. Parmi les mesures présentées, les possibilités de dérogations aux accords de branche par des accords d’entreprise font polémique.
Le principe de la hiérarchie des normes, tout comme l’existence des différentes représentations du personnel, n’est pas le fruit du hasard mais celui des luttes sociales vécues dans la plupart des pays industrialisés. Il est garanti sur le plan international par les Conventions de l’Organisation Internationale du Travail (OIT).
Selon ce principe, chaque norme ne tire sa force que d’une norme de niveau supérieur. Ainsi, le contrat de travail doit respecter les accords et usages d’entreprises, qui eux-mêmes dépendent des conventions collectives et de la loi. Pour simplifier, la logique veut qu’un accord d’entreprise améliore, dans un sens favorable aux salariés car offrant des garanties au moins équivalentes, un accord de branche (ou convention collective), qui améliore une loi, qui améliore les dispositions internationales… Plus les « partenaires sociaux » sont proches du terrain et plus les droits des salariés se renforcent.
Renverser la pyramide, revient à faire de la loi un horizon pour l’ensemble des salariés, le meilleur qu’ils puissent espérer… comme cela est devenu le cas pour le SMIC qui constitue désormais dans de nombreuses branches, l’équivalent du salaire d’embauche et/ou des premiers échelons des catégories employés.
Principe de droit international dont la France est instigatrice, le gouvernement pourrait difficilement légiférer son abolition. Contournant l’obstacle, il cite finalement 11 thèmes (au lieu de 6) où les garanties d’une convention d’entreprise doivent être « au moins équivalentes » à celles de la convention de branche, pour être applicables :
- Les salaires minima hiérarchiques,
- Les classifications,
- La mutualisation des fonds de financement du paritarisme,
- La mutualisation des fonds de la formation professionnelle,
- Les garanties collectives complémentaires,
- Les mesures relatives à la durée du travail, à la répartition et à l’aménagement des horaires,
- Les mesures relatives aux contrats de travail à durée déterminée et aux contrats de travail temporaire,
- Les mesures relatives au contrat à durée indéterminée de chantier,
- L’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes,
- Les conditions et les durées de renouvellement de la période d’essai,
- Les modalités selon lesquelles la poursuite des contrats de travail est organisée entre deux entreprises lorsque les conditions d’application de l’article L. 1224-1 ne sont pas réunies.
Dans quatre autres domaines, les conventions d’entreprises ne pourront déroger aux conventions de branche que si cela est explicitement mentionné :
- La prévention des effets de l’exposition aux facteurs de risques professionnels,
- L’insertion professionnelle et le maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés,
- L’effectif à partir duquel les délégués syndicaux peuvent être désignés, leur nombre et la valorisation de leurs parcours syndical,
- Les primes pour travaux dangereux ou insalubres.
Dans tout autre domaine, les clauses d’une convention d’entreprise ayant le même objet que celles d’une convention de branche, prévalent sur celles de la convention de branche.
Si ce grignotage de la hiérarchie des normes peut paraître « modéré », il constitue néanmoins une remise en cause d’un principe de droit international : c’est une révolution qui s’annonce sur le droit des institutions représentatives du personnel.
Notes
OIT – Convention 87