Concernant la gestion de votre CE, ne croyez pas tout ce que vous lisez dans la presse : méfiez-vous du conditionnel et recherchez la source. En cas de doute, solliciter le conseil de votre expert-comptable.
Le 26 novembre 2013, est publiée au Journal Officiel, une question écrite au Ministre du Travail de M. Hervé Pellois, Député de la première circonscription du Morbihan. Voici sa question telle qu’elle paraît au JO :
M. Hervé Pellois attire l’attention de M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur la réglementation applicable aux bons cadeaux. Certaines entreprises offrent des chèques-cadeaux lors du Noël de leurs salariés. Ceux-ci sont attribués en fonction de l’ancienneté (CDD ayant au moins 6 mois et CDI ayant au moins 3 ans d’ancienneté), et des absences (exclusion des salariés absents pour maladie depuis 6 mois et plus et des salariés en congé parental à taux plein). L’URSSAF considère l’ancienneté et la présence effective sur l’année comme des éléments discriminatoires. Pourtant, ces critères s’appliquent à l’ensemble des salariés, de manière générale, sans prendre en considération ni la personne, ni sa catégorie professionnelle ou son affiliation syndicale. Il lui demande de bien vouloir lui préciser les règles d’application des bons cadeaux afin de lever tout risque de mauvaise interprétation.
Petite analyse de texte
Vous remarquerez que M. Pellois ne mentionne pas les Comités d’Entreprise mais « certaines entreprises » qui offrent des chèques-cadeau à Noel en appliquant des restrictions d’ancienneté. Il précise que ces restrictions s’appliquent à tous les salariés et questionne une interprétation de l’URSSAF sur la nature discriminatoire de l’ancienneté ou de la présence effective dans l’année pour cette attribution de chèques-cadeau.
Sa question laisse fort à penser qu’elle concerne une entreprise de sa circonscription qui a reçu un redressement de l’URSSAF et cherche des explications, voire des éléments de contestation. En effet, dans la mesure où les URSSAF sont régionales, celle opérant dans sa circonscription pourrait mésinterpréter des consignes nationales.
6 mois après, le 6 mai 2014, la réponse du Ministre est publiée au Journal Officiel en ces termes :
Tout cadeau ou bon d’achat offert par le comité d’entreprise ou par un employeur directement à son salarié constitue un élément accessoire de sa rémunération qui doit être assujetti, en tant que tel, aux cotisations et contributions sociales, dans les conditions de droit commun. Toutefois, une tolérance permet, pour l’assujettissement au prélèvement social, de négliger ceux de ces avantages dont le montant annuel est inférieur à 5 % du plafond mensuel de la sécurité sociale, soit 156 € en 2014. Les employeurs ou comités d’entreprise peuvent, dans le cadre de leur politique sociale et en dehors de l’octroi de secours, utiliser des critères leur permettant de réserver ou de moduler les avantages accordés aux salariés dans le cadre des activités sociales et culturelles. Toutefois, ils ne peuvent se référer à des éléments dont l’utilisation constitue une discrimination au sens de l’article L. 225-1 du code pénal. De même, la différence de traitement entre les salariés au regard d’un même avantage doit être fondée sur des raisons objectives et pertinentes, ce qui n’apparaît pas, sous réserve de l’appréciation souveraine des tribunaux, compatible avec des critères en lien avec l’activité professionnelle tels que l’ancienneté ou la présence effective des salariés dans l’entreprise. C’est sur cette base que l’URSSAF réintègre dans l’assiette des cotisations les bons d’achat ou cadeaux attribués en fonction de tels critères. Une circulaire relative au régime social des prestations servies par les comités d’entreprise et les institutions analogues est en préparation. Elle permettra de préciser, au vu notamment de la jurisprudence existante, le régime social de ces avantages et d’apporter une clarification concernant les principes à retenir pour la modulation de leur attribution.
C’est le Ministre qui introduit les CE dans le débat. Il rappelle les règles et émet l’avis que l’ancienneté et la durée de présence effective pourraient être des éléments discriminatoires « sous réserve de l’appréciation souveraine des tribunaux ».
Une réponse montée en épingle…
Le cas particulier étant clos, l’affaire aurait pu en rester là. Mais ç’aurait été sans compter avec les revues juridiques professionnelles dont certaines en ont fait une véritable désinformation, pour ne pas dire campagne moralisante faisant croire les CE, dans leur généralité, coupables de pratiques discriminatoires.
Or, les CE qui mettent en œuvre de telles mesures, le font par souci budgétaire car s’ils enregistrent la dépense, l’employeur ne leur verse pas la subvention en recette.
Une éminente publication juridique entonne : « Les comités d’entreprise disposent d’une importante liberté dans la gestion de leurs activités sociales et culturelles. Ils doivent néanmoins respecter le Code du travail qui prévoit que leurs activités doivent, en priorité bénéficier aux salariés, à leurs familles et aux anciens salariés de l’entreprise ».
[…] il (le CE) ne doit pas prendre en compte ni la personne, ni la catégorie professionnelle, ni l’affiliation syndicale du salarié. […] Lorsque les moyens du CE sont limités, les grilles de répartition de ces prestations doivent être lisibles et objectives. Exactement le cas évoqué par M. Pellois.
C’est pourquoi le ministère du Travail indique que l’exclusion… […] Cette pratique doit donc être révolue et les comités d’entreprise doivent éviter ces pratiques discriminatoires, faute de quoi ils seront sanctionnés. Élus des CE, vous voilà prévenus !
D’autres « experts » du CE enfoncent le clou en posant la question : L’ancienneté : un critère discriminatoire ? Jusqu’à ce que la question soit soulevée à l’Assemblée Nationale, l’ancienneté faisait partie de ces critères sur lesquels le CE pouvait se baser sans trop de risques pour décider ou non de l’attribution de ses ASC aux salariés de l’entreprise. Sous-entendu : les CE en profitaient largement, mais… Le 6 mai dernier, le Ministère du Travail a précisé…
Une recherche sur Internet liste des dizaines d’articles plus ou moins véhéments vis-à-vis des CE les sommant de modifier leurs pratiques en bannissant ces deux critères. Circulant de CE en CE, la rumeur a même transformé la réponse du ministre en jurisprudence.
Mais des juristes savent qu’une réponse ministérielle n’a pas force de loi. Un redressement de l’URSSAF d’une région, dans une entreprise, est insuffisante pour préconiser à toutes les entreprises de France de s’y conformer.
Attendons, comme l’indique le Ministre, la circulaire en préparation… qui d’ailleurs, n’a pas non plus force de loi ; une entreprise ou un CE peut parfaitement la contester.