Réclamée par des députés de la droite forte sous la présidence de Nicolas Sarkozy, la loi régissant les comptes des Comités d’Entreprise, après bien des péripéties et un changement de majorité, à été promulguée début mars. A l’origine, une réaction à quelques faits divers, le texte introduit de nouvelles responsabilités pour les élus et un côté répressif paradoxal lorsque, par ailleurs, on prône l’allégement des contrôles des entreprises.
Mais en bout de compte, la transparence, sera-t-elle au rendez-vous ?
A moins d’une flopée de décrets et de circulaires, on serait tenté de dire qu’à première vue, la loi pose davantage de nouvelles questions qu’elle n’en résout d’anciennes.
A compter du 1er janvier 2015, un règlement intérieur sera obligatoire, précisant un certain nombre de procédures concernant les comptes. Mais le règlement intérieur est déjà obligatoire, et ce, depuis une trentaine années. Le législateur a simplement omis de préciser la sanction en cas de non-application de cette disposition. Ainsi de nombreux CE fonctionnent sans RI.
Reste à voir comment une sanction juste et applicable puisse être mise en œuvre et par quel moyen de contrôle. L’Inspection du Travail ? Qui peut-on sanctionner, le secrétaire, les élus, le président, le CE en tant que personne morale ? Quelle forme pourrait prendre la peine en cas d’inobservation de cette obligation ?
Le président du CE, en l’état actuel des textes, est écarté de la procédure d’approbation des comptes, arrêtés par des élus et approuvés par les élus lors d’une réunion annuelle ayant ce seul sujet à l’ordre du jour. Hormis la distribution de la parole, quel sera le rôle de celui-ci ? Cette mesure semble l’écarter de son implication dans certaines pratiques du passé – bien des employeurs ont poussé à la consommation du budget de fonctionnement pour éviter des remboursements de frais sur le compte de l’entreprise, éviter des expertises, etc. – on voit mal le président s’abstenant d’émettre son avis. Idéalement, le règlement intérieur préciserait ces points.
La loi prévoit également la nomination obligatoire d’un trésorier ou trésorière. Quid des petits CE ou ceux qui perdraient des élus en cours de mandat ? Comment obliger deux élus sur trois à prendre des responsabilités conséquentes dans le fonctionnement du CE et quelle cohérence de l’approbation des comptes par un seul élu supplémentaire par rapport aux élus qui les arrêtent ? Le trésorier, peut-il être choisi parmi les suppléants, et dans ce cas, peut-il voter l’approbation des comptes ? Quid des autres suppléants ? Rien n’est précisé à ce jour. Le texte est également silencieux sur l’éventualité d’un cumul de mandats, secrétaire + trésorier, qui devrait alors être rendu possible par le règlement intérieur, ce qui n’est pas très différent de la formalisation du rôle d’un trésorier (ou des adjoints) facultatif, d’autant plus que son rôle n’est pas davantage formalisé que la simple notion de la gestion des comptes.
La loi prévoit des dispositions pour éviter des conflits d’intérêt qui doivent faire l’objet d’un rapport spécifique élaboré par le trésorier, voire le Commissaire aux comptes, ou encore la Commission des affaires sociales. Mais comment interpréter la notion de conflit d’intérêt dans un « petit CE » où les sommes en jeu sont loin de pouvoir prêter à un enrichissement personnel. Le CE qui fait appel au beau-frère cafetier de l’un des élus pour faire le traiteur en lui faisant bénéficier de prix coûtants lors du tournoi annuel de pétanque, rentre-t-il dans cette définition ?
Cette liste non-exhaustive des inepties des nouvelles dispositions montre à quel point, la transparence n’était pas la préoccupation majeure du législateur mais le désir de « mâter » des institutions « ouvrières » qui pouvaient encore se prévaloir de choix autres que le moins-disant en termes de prix lors de la sélection de leurs fournisseurs.
La transparence est loin d’être jouée, à moins d’un travail laborieux au sein de chaque Comité d’Entreprise, sur le règlement intérieur qui, rappelons-le, devient une obligation à compter du 1er janvier 2015.