La loi Warsmann, encore elle, très critiquée, passée au crible par le Conseil Constitutionnel pour des aspects de « cavalier législatif », comporte des mesures populistes corrigeant à la marge les dispositions du Code du travail et les moyens d’intervention des URSSAF.
Dans son article 44, modifiant l’article L. 2241-2-1 du code du travail, elle vient « encadrer » les négociations annuelles obligatoires (NAO) dans les branches professionnelles. Elle vise celles qui laissent les salaires minima passer en-dessous du SMIC à chaque fois qu’il augmente.
Les employeurs devront, dans un délai de 3 mois à compter de la date de modification du SMIC, engager des négociations salariales pour réévaluer les minima de la branche pour qu’ils soient au minimum, en conformité avec celui-ci. A défaut de cette diligence de la partie patronale, des négociations doivent s’engager dans les 15 jours suivant la demande d’une organisation syndicale de salariés.
Bien entendu, cela peut avoir un effet attrayant pour le salarié en cette période d’annonces. Mais la réalité est tout autre ! Comment en sommes-nous arrivés là ?
Comme nous l’avons maintes fois évoqué ici, la loi Fillon de 2003 a étendu et généralisé des remises de cotisations sociales dégressives qui sont de 26% (1) pour un SMIC à 0% à 1,6 fois le SMIC.
En réalité, cette loi corrige à la marge, une des nombreuses aberrations de ce système, en limitant son effet dans le temps. Pour comprendre, imaginons une situation qui aurait pu exister…
Admettons que courant 2011, le SMIC étant à 9,00 € de l’heure, le taux horaire minimal de la branche est porté à 9,09 € (soit supérieur de 1% au SMIC). La remise dégressive octroyée par la loi Fillon représente 2,301 € de l’heure en mettons, septembre 2011. En décembre 2011, du fait de l’augmentation du SMIC à 9,19 € (puis à 9,22 € en janvier 2012) la remise Fillon est automatiquement revalorisée au taux maximal de 26% (1) soit 2,3634 € de l’heure, un gain de 0,0634 € par heure de travail (2).
Admettons que la partie patronale use du maximum permis pour retarder les négociations, appliquant par exemple, les 3 mois à la seconde augmentation du SMIC (3) ou ne donne pas suite, obligeant les syndicats de salariés à prendre l’initiative de la demande de négociations. Admettons encore que les négociations soient conclues dans un délai raisonnable de 2 mois et que le gouvernement publie l’arrêté d’extension dans les 6 mois (le minimum généralement constaté). On arrive facilement à l’augmentation du SMIC de janvier 2013 ou le processus va à nouveau recommencer. Durant cette année 2012, le pouvoir d’achat des salariés n’aurait pas augmenté mais l’entreprise aura bénéficié de remises supplémentaires sur les cotisations sociales d’un montant minimal de 115,39 € (4) dans l’année. « Les petits ruisseaux font les grandes rivières »…
Loin d’une sanction pour non respect du SMIC, cette mesure vient limiter dans le temps, un effet d’aubaine pour les entreprises, couteux pour les régimes sociaux mais dont l’effet sur le portefeuille des salariés, est illusoire.
Les négociateurs ont tout intérêt à intégrer l’effet des remises Fillon dans leurs argumentaires.
Calcul du taux de remise
Substituer 281 à 26 pour les entreprises jusqu’à 19 salariés.
Notes :
(1) 28,1% (soit 392,95 € actuellement pour un SMIC à 35 heures) dans les entreprises employant jusqu’à 19 salariés et 363,58 € (26%) dans une entreprise de 20 salariés et plus. Le calcul, modifié à plusieurs reprises, est désormais basé sur l’année en incluant les heures supplémentaires. La fourchette de dégressivité est restée la même.
(2) Si l’écart était plus important que le 1% de notre exemple ou s’il y avait des primes, ce gain pourrait également être plus important.
(3) Ce délai maximal n’existera qu’à partir de la date d’application de la loi.
(4) 0,0634 € x 151,67 x 12 = 115,39 €