La loi « Fillon » du 17 janvier 2003 est à l’origine de l’extension et de la pérennisation des aides à l’emploi liées aux 35 heures à toutes les entreprises, sans condition. Évaluées à quelques 23 milliards d’euros par an, ces remises sont déduites des cotisations sociales versées à l’URSSAF et doivent figurer sur les bulletins de salaire (1).
Leur calcul consiste à appliquer un taux de remise dégressif plafonné à 26% pour 1 SMIC et 0% à partir de 1,6 SMIC… Plus un salaire est proche du SMIC et plus il génère de remise.
C’est ce que l’on appelle « la trappe à bas salaires ». Et si ce dispositif avait non seulement incité des employeurs à payer leurs salariés moins chers mais aussi au non-respect du calcul du SMIC ?
Sans émettre de jugement sur le caractère légal ou intentionnel des décisions de ces entreprises, l’actualité récente présente les cas de deux groupes de renommée internationale. Doux (volailles), en dénonçant son accord RTT en 2004, a cessé de verser un forfait pause devenu avantage individuel acquis. Carrefour a décidé cette même année, pour d’autres raisons, de ne plus payer les temps de pause. Le premier a été condamné par différents Conseils de Prud’hommes à verser des rappels de salaire à plus de 1 200 salariés. Le second a également été condamné à plusieurs reprises. Dans les deux cas, les employeurs refusent toute solution collective extrajudiciaire. Et pour cause… Chez Carrefour 30 000 salariés seraient concernés, le préjudice collectif (temps de pause) étant évalué à 20 millions d’euros. Dans cette entreprise, les syndicats réclament également la compensation des frais de nettoyage et d’entretien des tenues de travail, une autre prime qui aurait disparu des éléments de rémunération.
Si les salariés peuvent être, au bout de longues années de procédure, remboursés des pertes subies, il n’en va pas de même de la Sécurité Sociale qui a octroyé aux entreprises concernées, des remises de cotisations maximales injustifiées (2).
Pour prendre un cas concret, pour la période entre juillet 2005 et juin 2006, le SMIC était de 8,03 € de l’heure, soit 1 217,91 €. La remise calculée sur la base du SMIC 35 heures, serait de 316,66 €.
Dans le cas où ce SMIC aurait été majoré de 5% en compensation des forfaits pause, la remise aurait été abaissée à 290,27 €, soit 26,39 € de moins. Le taux de remise serait de 22,7% au lieu de 26%. Un manque à gagner pour la Sécurité Sociale, estimé sur la base de 11 mois dans l’année, à 290,29 € (3). La perte de salaire représente 60,90 €/mois.
En rajoutant à ce SMIC majoré en termes de salaire brut, la prime de nettoyage réclamée par les syndicats (4), la remise tomberait à 245,13 €, une différence de 71,53 €/mois ou 786,83 € sur la période (base 11 mois). Le taux de remise serait de 17,7%.
A l’échelle de 30 000 salariés sur 5 ans, cela représente une économie de cotisations sociales de quelques 43,5 millions d’euros ou 118 millions si l’entreprise se voyait condamner au versement de la prime de nettoyage.
Bien entendu, ces chiffres sont très théoriques, ne prenant en compte ni le temps partiel ni les salaires supérieurs au SMIC qui les feraient diminuer, ni l’augmentation du SMIC ayant l’effet contraire.
Néanmoins, démonstration est faite que tous les moyens sont bons pour rejoindre le SMIC quitte à encourir un risque juridique sachant que le recours du salarié est individuel et s’il gagne, les indemnités exonérées de cotisations sociales !
En guise de conclusion, deux questions : Combien d’entreprises se livrent à de telles pratiques ? Quels contrôles sont réellement effectués sur ces remises de cotisations sociales ? Les Comités d’Entreprise peuvent demander à leur expert-comptable de faire le point !
Notes :
(1) Le calcul a été modifié à plusieurs reprises à la marge, la dernière en date (1er janvier 2011) étant l’annualisation du calcul auparavant effectué au mois-le-mois.
(2) Dans le cadre d’un jugement des prud’hommes, les gains ne sont pas soumis à cotisations sociales. L’URSSAF doit se constituer partie civile dans les procédures prud’homales afin de prétendre à l’indemnisation de son préjudice propre.
(3) Pour tenir compte d’une éventuelle prime annuelle
(4) 6 250 € sur 5 ans soit 1/60ème par mois = 104,17 €
Depuis le 1er janvier 2008 la rémunération des temps de pause, d’habillage et de déshabillage versée en application d’une convention ou d’un accord collectif étendu en vigueur au 11 octobre 2007 est exclue de la rémunération servant à déterminer le coefficient de la réduction générale des cotisations patronales.
Une lettre ministérielle du 24 décembre 2010, diffusée par l’ACOSS le 5 avril 2011, précise que la neutralisation de ces temps de pause, d’habillage et de déshabillage dans le calcul du coefficient de la réduction Fillon ne peut intervenir que s’ils ne correspondent pas à du temps de travail effectif.
En effet, dès lors que les temps de pause, d’habillage, de déshabillage ont la nature de travail effectif, la neutralisation de leur rémunération introduirait un déséquilibre dans le rapport entre le Smic pris en compte et la rémunération mensuelle : “la rémunération retenue dans la formule de calcul ne correspondrait plus au montant du Smic pris en compte pour ce salarié à temps plein”.
Source : Editions Législatives