L’essentiel des droits et prestations sociales des salariés est fonction de la masse salariale : retraite, mutuelle, prévoyance, budgets des CSE. Quels sont les conséquences du recours au chômage partiel, en lien avec le coronavirus, sur ces droits ?
Le recours à l’activité partielle est une procédure qui réduit mécaniquement la masse salariale de l’entreprise :
- Les indemnités versées aux salariés dans ce cadre sont des « revenus de remplacement ». Elles ne sont donc pas considérées comme du salaire ou « revenu d’activité » au sens de l’article L242-1 du code de la sécurité sociale.
- Pour cette raison, ces indemnités bénéficient d’un régime social particulier : elles sont exonérées de l’ensemble des cotisations et contributions sociales.
Or, l’essentiel des droits et prestations sociales des salariés est fonction de la masse salariale soumise à cotisations sociales. Avec le recours à l’activité partielle, que deviennent ces droits ?
Chômage partiel et droit à retraite
Les impacts sur les pensions de base du régime général des retraites
La règle semble claire. Le chômage partiel ne permettrait pas d’engendrer des trimestres, contrairement au chômage indemnisé « traditionnel ».
Néanmoins, la plupart des salariés en activité partielle auront tout de même leurs quatre trimestres. En effet, pour cela, il suffirait d’avoir touché un minimum de 6 090 euros en salaire en 2020, hors indemnité d’activité partielle. Cela correspond à 600 fois le montant du smic horaire, et la règle s’applique quelque soit le nombre de mois travaillés. Un salarié au smic, par exemple, vérifie cette conditionnalité en seulement quatre mois de salaire.
Par ailleurs, le gouvernement réfléchirait à introduire un dispositif dérogatoire pour neutraliser les impacts pour les personnes en dessous de ce seuil.
Les impacts sur les retraites complémentaire AGIRC / ARRCO
Selon la réglementation en vigueur, les salariés indemnisés au titre du chômage partiel bénéficient, sans contrepartie de cotisations, des droits à retraite. Seules les heures de chômage partiel indemnisées au-delà de 60 heures consécutives ou non, dans l’année civile, sont prises en compte.
Le salaire pris en compte n’est pas l’indemnité d’activité partielle mais le salaire mensuel de l’année du chômage partiel. Néanmoins, le nombre de points inscrits au titre du chômage partiel serait limité :
- au plafond de la Sécurité sociale pour l’Arrco ;
- à quatre fois le plafond de la Sécurité sociale (tranche B) pour l’Agirc alors que le plafond de droit commun est de 8 PSS.
Il faudra prévoir l’envoi d’une attestation de l’employeur à l’institution Arrco ou Agirc.
Ces dispositions résultent des dispositions légales suivantes :
- ANI 8 déc. 1961, Ann. A, art. 24, Délib. 16 B CCN 14 mars 1947, Ann. I, art. 8
- un protocole d’accord du 5 février 1979, reconduit jusqu’à nos jours et repris dans l’ANI du 17 novembre 2017, AGIRC-ARRCO
Chômage partiel et prévoyance : mutuelle, indemnisation des longues maladies et des incapacités temporaires ou définitives, retraite supplémentaire
Le calcul des cotisations versées aux régimes de protection sociale complémentaire est souvent fonction de la masse salariale. Selon les termes des contrats, il convient cependant de distinguer deux cas.
- Soit l’assiette de calcul des cotisations porte sur le brut fiscal. Les indemnités d’activités partielles sont alors soumises puisque imposables. Il n’y a pas donc pas changement.
- Soit l’assiette porte sur les « revenus d’activité » mentionnés l’article L242-1 du code de la sécurité sociale. Elles ne devraient alors pas être soumises puisqu’il s’agit de « revenu de remplacement ».
Dans ce dernier cas, avec le développement massif de l’activité partielle liée au COVID-19, les primes versées aux régimes de protection sociale complémentaire devraient s’effondrer. Selon les termes des contrats, les organismes assureurs se trouveraient donc devant un dilemme.
- Soit maintenir les prestations malgré l’absence de cotisation. Le risque financier pour eux serait alors élevé. C’est l’option qu’a choisi le groupe de protection sociale spécialisé dans le bâtiment, PRO BTP. Celui-ci a accordé une exonération de cotisations santé et prévoyance pour ses clients en chômage partiel au titre de mars et avril 2020.
- Soit suspendre les prestations aux salariés puisqu’ils ne perçoivent plus de cotisations,
Pour dépasser ce dilemme et continuer à assurer leurs prestations, les organismes assureurs auraient adopté une position commune. Ainsi, sauf indication contraire, ils recommandent aux adhérents d’adopter comme assiettes servant au calcul des cotisations :
- les « revenus d’activité » (ou la masse salariale),
- les indemnités versées au titre de l’activité partielle
- et les allocations complémentaires d’activité partielle.
La légalité et l’application de cette consigne officieuse ne manquera pas de soulever des débats au cours des prochaines semaines. Chaque employeur devrait se rapprocher de son organisme assureur pour avoir des précisions.
Chômage partiel et budgets du CSE
Rappelons que les CSE d’entreprises de plus de 50 salariés disposent de 2 enveloppes budgétaires versées par l’employeur :
- le budget des Activités Sociaux Culturelles ou ASC ( trav., art. L. 2312-78 et suivants)
- et le budget des Activités Economiques et Professionnelles ou AEP. ( trav., art. L. 2315-61)
Le calcul des subventions au CSE est fonction de la masse salariale brute. Cette assiette est définie comme l’ensemble des gains et rémunérations soumis à cotisations de sécurité sociale en application de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, à l’exception des indemnités versées à l’occasion de la rupture du CDI.
Or, l’indemnité d’activité partielle n’est pas une rémunération ou d’un gain au sens de l’article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale. Il y a donc un risque pour que les employeurs ayant recours a l’activité partielle en profite pour réduire les subventions.
Au total, sur chacun de ses thèmes, les représentants du personnel doivent être prévoyants. Lors de la consultation sur la mise en place du chômage partiel, ils devraient demander à l’employeur :
- D’en estimer les impacts,
- Et négocier, le cas échéants le maintien des mêmes niveaux de prestations ou de subventions.
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Sources
- Coronavirus : la prévoyance et santé en cas de chômage partiel – L’argus de l’assurance – 30/03/2020
- Le chômage partiel vire au casse-tête pour les acteurs de la prévoyance – Les Échos – 10/04/2020
- Coronavirus : comment le chômage partiel comptera-t-il pour la retraite ? – Le monde – 15 avril 2020
- Activité partielle : précisions sur la déclaration des cotisations prévoyance – Les Éditions Législatives – 31/03/2020