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Le comité d’entreprise du groupe hôtelier JJW France, détenu par le prince saoudien, a saisi le tribunal de commerce de Paris pour l’alerter sur la situation de l’entreprise. Endettée, elle accumule les retards de paiement.
Situation tendue pour l’hôtellerie française du cheikh AlJaber
Vainement candidat, faute de financement, à la reprise de l’hôtellerie de luxe de l’ex-Société du Louvre – dont Le Crillon, célèbre palace parisien –, le cheikh soudien Al-Jaber, propriétaire du groupe JJW, est-il en capacité d’assurer la pérennité de son parc français ? La réponse à cette question sensible passe désormais par le tribunal de commerce de Paris.
Selon des sources concordantes, le comité d’entreprise (CE) de l’entité JJW France, qui réunit l’essentiel du parc de JJW dans l’Hexagone, soit 31 hôtels de catégorie économique (enseigne Stars, 2 étoiles), moyen de gamme (Median, 3 étoiles), ou haut de gamme (Amarante, 4 étoiles), a en effet saisi au début du mois le tribunal afin de l’alerter « sur la situation financière préoccupante » du groupe.
Cette décision grave apparaît comme l’épilogue d’une longue mobilisation des représentants du personnel en vue d’obtenir une indispensable et significative injection de fonds propres de la part du propriétaire.
Ainsi, le CE de JJW France a déjà exercé son droit d’alerte en juillet dernier et mandaté un cabinet d’audit, Axia Consultants, afin d’établir un état des lieux sur la situation de l’entreprise. Remis en novembre dernier, le rapport, établi sur la base des comptes 2008 et des huit premiers mois d’activité pour 2009, est pour le moins alarmiste. Faisant état d’un endettement de 111,4 millions d’euros au 31 décembre 2008, le document, que « Les Echos » se sont procurés, indique que « le groupe est dans l’incapacité de faire face à ses échéances de remboursement. De plus, compte tenu des résultats 2009, la situation financière va se dégrader ». Axia Consultants évoque aussi une situation « inextricable » et l’éventualité d’une cessation de paiement avant de mettre en exergue deux options : un apport important de ’actionnaire ou la cession d’actifs.
Retards de paiements
Au passage, le cabinet s’interroge sur le projet de reprise de l’hôtellerie de prestige de l’ex-Société du Louvre auprès de Starwood Capital – une opération chiffrée à 1,5 milliard d’euros –, alors que le cheikh Al-Jaber n’est « pas en mesure d’apporter le soutien financier nécessaire » à JJW France « pour lui assurer un fonctionnement normal », à savoir le paiement des salaires, des dettes fiscales et sociales dans les délais impartis, mais aussi les investissements minimums dans la rénovation. Le qualificatif « normal » est effectivement de mise car le groupe accumule les retards de paiement. Le cumul s’élevait à 8,1 millions d’euros au 31 décembre dernier, dont près de 4 millions au seul titre de la dette fournisseurs, et dépasserait désormais 9 millions d’euros.
Or, la situation apparaît tout aussi inquiétante du côté des trois établissements haut de gamme parisiens du cheikh Al-Jaber, à savoir les hôtels Balzac, Vigny et Tremoille. Le 8 avril, les employés des deux premiers ont ainsi menacé de faire grève afin d’obtenir le versement des salaires de mars, ce qui a été fait finalement le jour même. « On ne peut plus continuer comme cela », s’exclame le secrétaire (CGT) de leur CE, Richard Moguel, qui fait par ailleurs état d’un cumul de dettes fiscales, sociales et fournisseurs de « 3 millions d’euros, dont 1,7 million au titre des fournisseurs ».
CHRISTOPHE PALIERSE
JJW France pris dans la tourmente judiciaire
Le comité d’entreprise du groupe hôtelier vient d’introduire une procédure d’alerte auprès du tribunal de commerce de Paris sur ses difficultés financières. Motifs : d’importants retards de paiement des fournisseurs et des salariés, ainsi qu’une inquiétante augmentation des dettes fiscales et sociales.
Selon des sources proches du dossier, ce n’est pas de gaîté de cœur que le comité d’entreprise (CE) du groupe hôtelier JJW France a entamé une procédure d’alerte auprès du tribunal de commerce de Paris, en prenant le risque de voir étaler au grand jour les difficultés financières du groupe. À la tête de JJW France, le cheikh Mohamed Bin Issa Al Jaber, homme d’affaires saoudien de 50 ans, actionnaire largement majoritaire pour ne pas dire unique. Le groupe détient une trentaine d’établissements hôteliers, dont plus de la moitié appartient à la catégorie économique, avec l’enseigne Stars hôtel (2 étoiles), mais aussi la marque Médian (3 étoiles) et des hôtels plus haut de gamme comme Amarante (4 étoiles).
Cela faisait plusieurs mois que le torchon brûlait entre la direction de JJW France et le comité d’entreprise, qui avait déjà déclenché une procédure d’alerte en interne, conformément à l’article L.432-5 du code du travail. Cet organe dispose, en effet, d’un droit d’alerte : “lorsque le comité d’entreprise a connaissance de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l’entreprise, il peut demander à l’employeur de lui fournir des explications.”
En juillet 2009, le cabinet d’audit Axia Consultant, est mandaté afin d’établir clairement la situation de l’entreprise. Le rapport, présenté en réunion du CE en novembre 2009, conclut que “la situation est très critique pour l’exercice 2008”. Selon l’expert, deux causes principales expliquent le résultat fortement déficitaire du groupe : des performances d’activité inférieures à la moyenne nationale et un taux d’endettement pesant lourdement sur les comptes. Le rapport ne laisse présager aucune évolution positive dans la mesure où, faute d’investissement dans les hôtels, ceux-ci sont laissés ‘à l’abandon’ et ne permettent pas de développer leur potentiel. Deux solutions sont envisageables pour l’expert : un apport de l’actionnaire ou la cession d’une partie des actifs.
Pour les membres du CE, il est indispensable que l’actionnaire majoritaire réinjecte des fonds dans le groupe pour soutenir l’exploitation. Les comptes en décembre 2009 font état de dettes fiscales, sociales et fournisseurs proches de 7 M€. Les conditions de travail des salariés dans les hôtels deviennent de plus en plus difficiles. Faute de payer les fournisseurs, les salariés doivent jongler pour assurer la continuité de l’exploitation. À la fin décembre 2009, les 400 salariés du groupe, dont une quarantaine au siège, ont perçu un paiement partiel de leur salaire et la société s’était engagée à verser le solde au plus tard le 11 janvier. Mais au fil des mois, l’échéance de la paie s’est décalé. “Je suis très inquiet pour le paiement des salaires des mois à venir”, explique Christian Campinotti, délégué syndical Force ouvrière, qui, en raison de la clause de confidentialité liant le CE et la direction, se refuse à tout commentaire sur l’action judiciaire en cours.
En février 2010, le montant des dettes fiscales, sociales et fournisseurs est passé à un peu plus de 9 M€, soit une augmentation de plus de 2 M€ en deux mois. De quoi inquiéter encore un peu plus les salariés. La direction mentionne alors l’intention du cheikh Al Jaber d’injecter 6 M€ dans le groupe, à raison de 500 000 € avant la fin février 2010, 1 M€ en mars et le reste plus tard… Mais ils ne verront rien venir. C’est la raison pour laquelle le comité d’entreprise a décidé de porter le dossier sur la place publique afin de provoquer une onde de choc.
Pascale Carbillet