La notion de « Corporate Social Responsability » est née aux États-Unis dans les années 1960. Traduite en français, on parle de Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE). Certains préfèrent le terme « sociétale ».
En France, les premières notions de RSE sont nées du débat entourant la loi relative aux nouvelles régulations économiques (dite « loi NRE ») promulguée par le gouvernement Jospin le 15 mai 2001, concernant, finalement, les entreprises cotées en Bourse. Leurs rapports annuels doivent désormais prendre en compte les conséquences sociales et environnementales de leur activité. Ces rapports furent peu normalisés, changeant d’année en année en cataloguant des initiatives « vertes » sans permettre de mesurer le niveau d’investissement à long terme. En pleine discussion des évolutions possibles et de l’éventuelle extension de la loi est arrivé un cheveu sur la soupe…
Le scandale Enron…
En cette même année 2001, Enron, une multinationale américaine de l’énergie pesant un chiffre d’affaires de $110 milliards annuels fait faillite à la suite de pratiques comptables illégales, validées par un géant de l’audit financier entraîné également dans sa propre faillite, Arthur Andersen. Le concept américain de CSR est ressorti afin de colmater les brèches dans la législation en améliorant la gouvernance des entreprises par des normes de comptabilité (IFRS) et d’audit plus strictes. La loi « Sarbanes-Oxley », votée en 2002 est applicable à toute entreprise opérant aux États-Unis. Sous cette influence américaine, le Pacte Mondial des Nations-Unies énumère, en 2004, 10 principes de responsabilité sociale des entreprises (voir encadre en bas de page).
Un des aspects les plus retentissants de cette loi est le « whistleblower act », une protection des donneurs d’alerte, inventée pour que des employés ou cadres puissent dénoncer, sans crainte de perdre leur emploi, des pratiques anormales de gestion dans leurs services.
Arrivée en France en 2005 sous forme de « hotline éthique », le principe a réveillé des souvenirs de délation ; délation cette fois imposée par « l’impérialisme des affaires anglo-saxonnes ». La pratique a révélé que lors d’un appel, c’est l’entreprise qui mène elle-même l’enquête et conclut la plupart du temps à l’absence de faits fautifs de la hiérarchie. De même, la « Charte de bonne conduite » censée préciser le rôle des salariés dans l’entreprise fut perçue comme un moyen de remettre en cause les règlements intérieurs, sans consultation des IRP.
Un mauvais coup pour la RSE qui entache la crédibilité de son lancement en France où le dialogue social est, rappelons-le, plus poussé qu’ailleurs dans le monde. S’il est fréquent dans nos comités d’entreprise et comités européens, de discuter stratégie des affaires avec la direction, ce n’est pas souvent le cas ailleurs.
Le mouvement pour une RSE « à la française » conceptualisée autour d’un rapport présenté aux élus du personnel, discuté, listant les actions de promotion des droits de l’homme et de sauvegarde de l’environnement a malheureusement, perdu de son souffle. Elle est victime d’un conflit des logiques qui brouille sa perception par ceux et celles qui serait susceptibles de la promouvoir.
Naissance d’une norme…
C’est seulement en novembre 2010 qu’une norme internationale voit le jour en l’ISO 26000. Composée de lignes directrices et non d’exigences, elle n’est pas « certifiable » puisqu’on ne peut pas vérifier la conformité d’une mise en œuvre par rapport à des lignes directrices. Il est possible, soit de s’auto-évaluer, par rapport à un référentiel d’exigences construit soi-même, soit de se faire évaluer (ou d’évaluer des tierces parties, fournisseurs par exemple) par rapport à une liste d’exigences propres, ou encore de se faire évaluer par rapport à un référentiel d’exigences construit de manière universelle. Dans ce dernier cas, la qualité de la signature de l’évaluateur devient prépondérante.
En France, l’ISO 26000 peut donner lieu :
- à des évaluations. Ainsi, AFAQ 26000 ou VIGEO 26000 évaluent le degré de Responsabilité Sociale, dans une organisation donnée, selon les directions données par la norme ISO 26000. Depuis ces dernières années, divers organismes réalisent aussi des évaluations ISO 26000 d’organismes (Bureau Veritas, DNV, BCS Certification..).
- à une labellisation : le label LUCIE est le seul label en France à se baser sur la norme ISO 26000. Sur la base d’une évaluation préalable par un des organismes précédemment cités, l’entreprise prend des engagements de progrès en matière de RSE. C’est sur la base de ces engagements de progrès qui doivent répondre à des critères précis et sont vérifiés tous les 18 mois, que le label est décerné (puis éventuellement maintenu et renouvelé).
Quel contrôle des IRP ?
Pour les syndicats nord-américains, la RSE se résume à sa notion originelle de triple résultat : économique, sociale et environnementale. Une entreprise doit être profitable, sans polluer excessivement, pour créer des emplois « décents » ; c’est-à-dire avec un salaire au-delà du minimum et avec des plans d’assurance santé et retraite. Démarche syndicale bien plus simple, ils n’hésitent pas à utiliser ce levier dans les négociations et à signaler les hypocrisies en la matière. Certaines entreprises affichent même le « label syndical » pour témoigner de leur RSE.
En Amérique du Sud, où les assassinats de syndicalistes sont fréquents, comme en Asie où les syndicats sont interdits ou fortement réprimés dans les Rana Plaza et autres « sweatshop », la RSE est attestée par des agences de notation. Elles peuvent, la plupart du temps, se constituer sans formalité, et attester du degré de RSE de leurs clients selon des critères et des visites d’inspection qu’elles élaborent elles-mêmes. D’autres, plus sérieuses, organisent séminaires et formations des managers sur des thèmes comme la prévention des suicides.
En France, la RSE (développement durable) peut s’insérer dans la plupart des informations / consultations des comités d’entreprise ou CHSCT portant sur les investissements, la politique d’achats, l’organisation du travail, l’emploi de la sous-traitance, les comptes annuels et prévisionnels…
A l’international, bien peu d’organisations ont des réseaux suffisants pour être informées de la RSE réellement pratiquée par les entreprises sur le terrain. Seules les Fédérations Syndicales Internationales ont cette possibilité, les conditions de travail décrites par les militants de terrain permettant une vue d’ensemble de l’application du pacte mondial. Leurs campagnes d’information s’inscrivent en faux à la RSE décrite par les entreprises (1).
Enfin, pour contrer les fausses affirmations (« greenwashing »), Internet permet de créer des communautés internationales de salariés et/ou de citoyens, afin d’échanger des informations et préparer des réunions (2).
Axia Consultants organise des formations au sujet de la RSE qui peuvent être adaptées au contexte et à la réalité de votre entreprise.
Notes :
(1) L’UITA, par exemple, a des sites pour Mondelez, Nestlé, Coca, Sodexo…
(2) Un exemple est le « Prix Pinocchio » organisé par un groupement d’ONG
En 2004, le Pacte Mondial des Nations-Unies a énuméré 10 principes de responsabilité sociale des entreprises :
Droits de l’homme
1 : Les entreprises doivent promouvoir et respecter les droits de l’homme reconnus sur le plan international ;
2 : Les entreprises ne doivent pas se faire complices de violations des droits fondamentaux.
Normes de travail
3 : Les entreprises devraient respecter l’exercice de la liberté d’association et reconnaître le droit à la négociation collective ;
4 : Élimination de toutes les formes de travail forcé et obligatoire ;
5 : Abolition effective du travail des enfants ;
6 : Élimination de la discrimination en matière d’emploi et d’exercice d’une profession.
Environnement
7 : Promouvoir une approche prudente des grands problèmes touchant l’environnement ;
8 : Prendre des initiatives en faveur de pratiques environnementales plus responsables ;
9 : Encourager la mise au point et la diffusion de technologies respectueuses de l’environnement.
Lutte contre la corruption
10 : Les entreprises sont invitées à agir contre la corruption sous toutes ses formes, y compris l’extorsion de fonds et les pots-de-vin.
Mais… Le Pacte mondial n’est toujours pas une norme ni une certification. Initiative volontaire, il n’est pas contraignant juridiquement parlant. Il aide les entreprises souhaitant s’engager sur la voie du développement durable à progresser et à formaliser leur démarche.