Sous l’impulsion d’Emmanuel Macron (en tant que Ministre de l’Economie), les grands équilibres de la législation sur les licenciements économiques ont été modifiées. Ces évolutions ont-elles desservi les salariés ?
Les ordonnances Macron : la dernière étape d’une succession de réformes des conditions de licenciement initiées depuis 2015
Depuis 2015, sous l’impulsion du ministre de l’Economie Emmanuel Macron, 3 réformes successives du Code du Travail ont été menées. Les objectifs affichés de ces réformes étaient les suivants :
- Simplifier et sécuriser les procédures de licenciements pour les employeurs afin de favoriser l’emploi
- Limiter le risque de contentieux et en donner une visibilité financière aux entreprises en cas de contestation du salarié
- Et trouver des voies alternatives et sécurisées aux licenciements traditionnels.
Quel a été le contenu de ces réformes successives ?
La « loi Macron » de 2015 et l’incitation à la conciliation aux Prud’hommes
La « loi Macron », a été portée au nom du gouvernement Manuel Valls II, par Emmanuel Macron, alors ministre de l’Économie. En matière de contentieux prud’homale, les rédacteurs de la loi font le constat de la durée trop longue des procédures. Celles-ci prenaient en moyenne 11,9 mois. L’un des objectifs est donc un raccourcissement des délais de jugement, en facilitant le recours aux audiences en formation restreinte. Celles-ci se composent d’un juge salarié et d’un juge employeur (au lieu de deux et deux).
La « loi El Khomri » de 2016 élargit le champ des motifs de licenciements économiques
La « loi Travail » ou « loi El Khomri », est adoptée en 2016 à l’initiative de la ministre du Travail Myriam El Khomri au nom du gouvernement Valls. Cette loi introduit 3 modifications majeures des conditions de licenciements :
- La loi élargit les conditions dans lesquelles un employeur peut procéder à un licenciement économique à la baisse des commandes ou du chiffre d’affaires sur plusieurs trimestres.
- Un salarié qui refuse un accord collectif de modulation du temps de travail ou des salaires pourrait être licencié individuellement pour motif économique, sans les mesures de reclassement.
- La loi introduit également un premier plafonnement « indicatif » des dédommagements que reçoivent les personnes qui ont été licenciées abusivement.
Les ordonnances Macron de 2017 réduisent le champ de contestation des licenciements économiques
Les « ordonnances Macron » ont été initiée et présenté en 2017 par la ministre du Travail Muriel Pénicaud, sous le gouvernement d’Édouard Philippe. Au niveau des licenciements économiques, cette loi apporte les modifications suivantes :
- Une réduction du périmètre d’appréciation des difficultés économiques aux filiales françaises pour un groupe. Historiquement, la jurisprudence avait étendu le périmètre de licenciement aux filiales étrangères pour les multinationales.
- Une augmentation des indemnités légales de licenciement économiques à 25 % de mois de salaire par année d’ancienneté,
- Un plafonnement impératif des indemnités prud’homales fixées par le tribunal en cas de licenciement abusif pour compléter la « loi El Khomri »,
- Et une réduction des délais de prescription des actions de contestation des motifs de rupture de leur contrat de travail à 12 mois. Rappelons que depuis 2013, le législateur avait réduit de 5 à 2 ans le délai de prescription des actions portant sur l’exécution et la rupture du contrat de travail.
Les impacts des ordonnances Macron sur les licenciements
Une réduction du nombre de licenciements économiques quoique antérieure aux lois Macron
A l’observation, il s’avère que la baisse du nombre de licenciements économiques est antérieure aux lois Macron. En effet, la forte diminution de cette catégorie de licenciements semble dater de 2008, à partir de l’adoption de la législation sur les ruptures conventionnelles. En 2009, à la suite de la crise des « subprimes », le nombre de licenciements économiques atteint un pic à 300 milliers par an.
Néanmoins, entre 2009 et 2012, on observe :
- une baisse de plus de 30% des licenciements économiques, passant sous la barre des 200 milliers de personnes par an en 2012. Par la suite, le nombre de licenciements économiques continue de décroitre et aboutit à un peu plus d’une centaine de milliers par an en 2019.
- Parallèlement, le nombre de ruptures conventionnelles dépassent les 300 milliers de d’accords signés dès 2009 et dépassent les 550 milliers en 2019.
Un développement des nouveaux modes de ruptures de contrats de travail : les APC et les RCC
Les entreprises se sont appropriés des nouvelles dispositions de ruptures collectives de contrats de travail créés par les ordonnances.
En effet, 809 accords de performance collective (APC) ont été conclus au 1er juillet 2021. Les entreprises recourant à ce dispositif ont des tailles variables :
- 65% d’entre eux ont été conclus dans des entreprises de 11 à 250 salariés
- et 28 % dans des entreprises de 250 salariés ou plus
Par ailleurs, 361 ruptures conventionnelles collectives (RCC) ont été signées au 30 juin 2021. Elles se concentrent dans les grandes entreprises. 64% d’entre elles se concluent dans des entreprises de 250 salariés et plus.
Une réduction du nombre d’actions aux prud’hommes sur la même période
Parallèlement, on observe depuis 2010 une tendance constamment baissière, du nombre d’actions aux prud’hommes :
- Une baisse de -18% des actions entre 2009 et 2015, après la mise en place de la législation sur les ruptures conventionnelles.
- Un très net point d’inflexion à partir de 2016, parallèlement à la mise en place de la loi « El Khomry ». Le nombre de saisines des tribunaux baisse de -33% entre 2015 et 2017. Rien ne permet pourtant de relier cette accélération à la réforme.
- Puis à partir de 2018, une poursuite du mouvement de baisse, de manière moins soutenue, de -6% par rapport à 2017.
Néanmoins, selon les rapports du ministère de la justice, la baisse globale des procédures pour contester les licenciements dissimule :
- une hausse des actions engagées par les salariés de l’encadrement,
- largement compensée par la baisse drastique des actions engagées par les autres catégories socioprofessionnelles.
Une réduction du montant des indemnités accordés par la justice pour licenciement abusif
S’agissant du barème des indemnités de licenciements sans cause réelle et sérieuse, il semble globalement appliqué par les juridictions. Les conséquences observées sont de 2 ordres.
Le 1er effet observé est celui d’une convergence du montant des dédommagements accordés par les juridictions. Selon le rapport du comité d’évaluation de France Stratégie, le montant des indemnités décidées par les juges est conforme au barème dans 90% des cas depuis les ordonnances Macron. Avant la réforme, son application se limitait à 44% des cas. De manière plus précise, une étude universitaire (1) sur l’évolution des plafonds et planchers donne les résultats suivants :
- La somme maximale octroyée par le juge est en baisse : 20 mois de salaires depuis septembre 2017, contre 37,8 mois de salaire à l’époque où s’appliquaient les anciennes dispositions.
- En revanche, les montants minimaux ressortent un peu plus élevés avec le nouveau dispositif, 0,6 mois de salaire, contre 0,2 mois dans l’ancien.
Le second effet de la mise en place du barème est une baisse des montants des indemnités. Elles seraient en moyenne passées de 7,9 mois de salaires avant la réforme à 6,6 mois de salaires. Ce qui correspond à une baisse de -16%. La variation est plus modeste si l’on retient comme paramètre la médiane. Celle-ci s’établit à 6,5 mois de salaire avant la réforme contre 6 mois aujourd’hui. On observe également une variabilité des dédommagements accordés selon la taille de la société et l’ancienneté :
- Dans les sociétés de plus de 11 salariés, l’indemnisation moyenne recule plus fortement. Elle est passée de 9,1 mois de salaires à 7,6 depuis la promulgation des ordonnances,
- Alors qu’elle a glissé de 5 mois de salaires à 4,2 pour les licenciements intervenus dans les très petites entreprises (moins de onze personnes).
- Enfin, les plus gros perdants sont ceux qui ont une ancienneté dans leur entreprise comprise entre deux et cinq ans. Leurs dommages-intérêts sont amputés de 3,1 mois, en moyenne.
En conclusion
En définitive, les lois Macron n’ont pas été à l’origine de la réduction de la proportion des licenciements économiques dans les ruptures de contrat de travail. La baisse des actions prud’homales de contestation des motifs des licenciements ne peut non plus leur être directement imputée. En effet, les différentes lois Macron n’ont été qu’une finalisation d’un processus de dérèglementation des procédures de licenciements économiques entamé depuis les années 1990.
En revanche, les ordonnances Macron ont contribué à sécuriser les pratiques des employeurs au cours des procédures de licenciement. Elles ont en particulier permis d’abaisser le montant des dédommagements en cas de licenciement sans causes réelles et sérieuses. Et ce, au détriment des salariés victimes.
(1) Etude de l’impact du barème des licenciements sans cause réel et sérieuse des ordonnances Macron par Raphaël Dalmasso, maître de conférences en droit à l’université de Lorraine, et Camille Signoretto, maîtresse de conférences en économie à l’Université de Paris
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