L’activisme actionnarial, plus communément désigné par le terme “fonds activistes”, sème la terreur au sein des dirigeants des sociétés cotées. Mais que craindre réellement de ces fonds ? Quelles sont leurs intentions? De quelles marges de manœuvre disposent-ils ? Quelles stratégies pour les éviter ?
Originaire des Etats-Unis, le courant né dans les années 70 s’est exporté en France depuis quelques années. Casino, Pernod Ricard, Nestlé, Danone, Altran et Lagardère intègrent la liste des sociétés en comptant parmi leurs actionnaires. Une liste qui devrait continuer de s’allonger. En effet, le contexte économique morose, entraînant la baisse des cours, favorise l’exposition des grosses capitalisations boursières aux assauts des fonds activistes. Ainsi, au sein des gouvernances, il faudra composer avec ces prédateurs.
Quels sont les objectifs des fonds activistes ?
Les fonds activistes font pression sur les gouvernances dans le but de :
- créer de la valeur pour les actionnaires. A cet effet, les fonds peuvent demander une réduction drastique des coûts ou encore une réorientation de la stratégie.
- influer sur une opération en cours ou en provoquer une. Ainsi, à titre d’exemple, le fonds TCI a permis de revoir les termes d’une OPA menée par Safran sur Zodiac. Plus précisément, l’intervention du fonds avait conduit Safran à revoir à la baisse son offre, que TCI avait jugée surcotée. D’autres fonds peuvent exiger la cession d’actifs ou le rapprochement avec une autre société.
- faire baisser le cours d’une action jugée surévaluée. C’est notamment le cas des sociétés dont les performances supérieures à celles de leur secteur semblent dissimuler des fraudes. Pour les ramener à leur juste valeur, les fonds recourent à la méthode de la vente à découvert. Celle-ci consiste à vendre, à une échéance retardée et à un prix déjà fixé, des actions que le fonds ne possède pas encore au moment du contrat. Ce type de pratique tend naturellement à faire baisser le cours de l’action. D’autant plus si elle est accompagnée de révélations sur d’éventuelles fraudes. Cela permet ainsi au fonds de profiter de la chute du cours pour acheter l’action à bas prix et pour la revendre ensuite au prix fixé. Les rendements sur ce type d’opérations ressortent particulièrement élevés.
Quelles sont les sociétés ciblées par les fonds activistes ?
Ainsi, certaines sociétés sont plus susceptibles que d’autres de faire l’objet de la convoitise des fonds activistes. Il s’agit notamment :
- des sociétés dont les performances sont jugées faibles. Les fonds activistes peuvent y déceler des fragilités à corriger pour améliorer leurs performances.
- des grosses capitalisations boursières, plus à même de générer des bénéfices importants.
Pourquoi les sociétés cotées ont-elles peur des fonds activistes ?
Pour atteindre leur but, les fonds activistes émettent des revendications dont les impacts peuvent se révéler conséquents. Leurs demandes concernent souvent :
- des coupes sur les frais de fonctionnement (entre -4,7% et -6,6% sur 5 ans selon une étude du Harvard Business Review)
- des suppressions d’emplois (entre -4,5% et -7% sur 5 ans).
- un changement de management, en particulier des directeurs généraux.
Ainsi, l’ampleur des conséquences de leurs demandes n’est pas négligeable, alors même que les objectifs de rendement des fonds activistes sont relativement court-termistes.
En outre, si l’analyse des failles des entreprises ciblées peut s’avérer utile, en revanche, la brutalité des revendications et des méthodes employées fait trembler les organes de direction.
Comment un fond activiste peut-il influer sur le management ?
Alors que la participation des fonds activistes est presque toujours très minoritaire dans le capital des sociétés ciblées (entre 2% et 5%), cette crainte ne paraît-elle pas irrationnelle ? En réalité, ce serait méconnaître la force de frappe (ou la capacité de nuisance) des fonds activistes et leurs méthodes éprouvées :
- La prise de participation s’accompagne généralement d’un plan de communication bien huilé. Les actionnaires activistes profitent en particulier des Assemblées Générales pour déclamer la liste de leurs griefs et de leurs remèdes. Le but ? Convaincre les autres actionnaires de la pertinence de leur analyse et les inciter à voter dans leur sens.
- Dans un second temps, la bataille des procurations (ou proxy fight) leur donne un levier juridique pour influer lors des votes. Il s’agit pour les activistes de récupérer les procurations des actionnaires, plus petits et moins impliqués, pour grossir la portée de leur vote.
- Enfin, la promesse de faire bénéficier le management du réseau d’experts dont les fonds sont dotés constitue également un moyen de peser sur les décisions de la direction.
Les fonds activistes améliorent-ils vraiment la performance des entreprises ?
La réponse à cette question fait débat, opposant les détracteurs et les partisans de l’activisme actionnarial.
Pourtant, une étude du Harvard Business Review menée sur 1324 entreprises américaines ciblées par les fonds activistes offre un constat sans appel. A court terme, l’intervention d’un fonds tendrait effectivement à accroître la valeur de la société. Néanmoins, à plus long terme, l’impact sur la valeur est négatif et les sociétés ciblées semblent performer moins bien que les sociétés non ciblées.
Graphique issu du Harvard Business Review
Au-delà des performances financières, l’impact des fonds activistes est également sensible sur les critères ESG (Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance), sur lesquels de plus en plus de sociétés cotées s’engagent. Les stratégies préconisées par les fonds activiste interfèrent et entament souvent le respect de ces engagements. Ainsi, avec beaucoup de cynisme, la plupart des investisseurs activistes avouent privilégier sans hésitation la performance financière à la performance environnementale (qui recule en moyenne de -18% au bout de 5 ans pour les sociétés ciblées).
Comment éviter l’entrée de fonds activistes ?
En réalité, les marges de manœuvre juridiques pour empêcher l’entrée d’un fonds activiste sont assez faibles. La crainte de voir cela se réaliser doit donc inciter les directions à être vigilantes sur leurs performances.
Toutefois, le sujet est pris au sérieux en France, remontant jusqu’aux plus hautes instances étatiques. En témoigne la constitution par Eric Woerth d’une commission parlementaire dédiée à l’activisme actionnarial. Celle-ci a abouti à l’émission de plusieurs pistes de réflexion :
- renforcement de la transparence du marché et notamment de la connaissance par les entreprises de leur actionnariat ;
- abaissement de l’obligation de franchissement de seuil à 3% contre 5% aujourd’hui
- réduction de l’asymétrie de communication et d’information entre fonds activistes et sociétés cotées ;
- encadrement plus étroit de la vente à découvert, et promotion de la transparence sur le marché du prêt-emprunt de titres ;
- renforcement des moyens d’action au régulateur financier, l’AMF.
Axia Consultants accompagne les Instances Représentatives du Personnel depuis plus de 20 ans sur les enjeux économiques, juridiques, sociaux et en santé au travail. Expert CSE, nous proposons des missions d’expertises, d’assistance ou des formations sur mesure, pour vous accompagner selon vos besoins. Pour plus d’informations :