Trois ans après la loi Egalim, une nouvelle loi visant à protéger la rémunération des agriculteurs entrera en vigueur le 1er novembre 2021 et devra être appliquée sur les négociations commerciales à venir.
Trois années après la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable dite « Egalim », le Journal Officiel acte la promulgation de la loi « Egalim 2 » visant à protéger la rémunération des agriculteurs. Entrée en vigueur le 1er novembre 2021, elle s’applique sur les négociations commerciales en cours.
La loi « Egalim 1 » : un échec à protéger les revenus des producteurs
Malgré une ambition soulignée d’accroitre les revenus des agriculteurs, payés pour « un tiers moins de 350 euros par mois », la loi Egalim n’aurait pas permis une revalorisation de leurs revenus.
En effet, elle prévoyait une inversion de la construction du prix en appliquant le principe de « marge avant ». Les contrats et prix associés devaient prendre en compte les coûts de production, afin de mieux rémunérer les agriculteurs. 2 mesures phares avaient attirées l’attention :
- La limitation des promotions
- Et l’augmentation du seuil de revente (10%)
D’après le « Rapport de la mission d’enquête » de mars 2021 commandé par le Ministère de l’Agriculture, la loi Egalim a permis un gain de 550 millions d’euros. Néanmoins, l’intégralité de cette somme n’a pas été reversée aux seuls agriculteurs, mais a aussi profité aux distributeurs et industriels.
Le rapport dénonce le monopole des distributeurs sur le prix. Rien ne les obligeait à contractualiser le prix des matières premières avec l’industriel. Ainsi, le distributeur continuait d’imposer le prix à l’industriel qui lui-même fixait le prix à l’agriculteur, sans tenir compte de celui des matières premières agricoles.
Ces conclusions rappellent celles déjà constatées par le rapport du Sénat daté du 30 octobre 2019. Le Groupe de suivi de la loi Egalim mettait en avant des points de vigilance, notamment :
- une inflation pour le consommateur,
- qui n’a pas permis une augmentation des revenus des agriculteurs
- mais une augmentation des marges des distributeurs et des industriels.
En conséquence, les résultats ressortent mitigés :
- La filière laitière aurait le plus bénéficié des EGA avant la crise sanitaire. Les autres filières semblent en avoir moins bénéficié.
- Concernant la filière bovine, le diagnostic n’est pas favorable car cette dernière est victime d’une dévalorisation.
- L’exclusion des marques de distributeurs est également relevée comme une faiblesse. Le fait de les inclure dans les négociations permettrait d’avoir un prix français « stable et rémunérateur ».
Une nouvelle loi « Egalim 2 » visant à protéger la rémunération des agriculteurs
Afin de pallier les faiblesses identifiées, une nouvelle loi entre en vigueur au 1er novembre 2021. Cette loi dite « Egalim 2 » a pour objectif de permettre le rééquilibrage du rapport de force entre industriels, distributeurs et agriculteurs avec plusieurs mesures.
Une refonte des relations entre le monde agricole et les industriels
Des contrats écrits et pluriannuels pour les produits agricoles
La loi Egalim 2 prévoit l’obligation de la conclusion d’un contrat écrit et pluriannuel pour la vente de produits agricoles entre l’industriel et l’agriculteur, afin de favoriser :
- la revalorisation de la rémunération des producteurs
- et leur protection vis-à-vis des industriels et distributeurs,
Ces contrats, d’une durée minimale de 3 ans (5 ans si accord interprofessionnel ou décret) devront permettre à l’agriculteur d’avoir une visibilité à long terme avec l’application d’un seuil plancher :
- Une clause de révision automatique des prix devra être présente sur le contrat afin de permettre aux agriculteurs de pallier une éventuelle hausse des coûts de production.
- Les clauses relatives à une modification des prix au regard des tarifs appliqués par les concurrents sont interdites.
- Il est possible, en fonction des indicateurs disponibles et au libre choix des parties, de retenir des indicateurs différents pour les matières premières agricoles provenant de pays tiers.
- un tiers indépendant peut intervenir pour vérifier l’application de la clause d’indexation au même titre que sur les options de transparence.
L’obligation de contractualisation ne concerne pas les grossistes, particulièrement dans la filière bovine. En effet, les vendeurs ont déjà le pouvoir de négocier et donc de défendre les revenus des agriculteurs. Par ailleurs, les dates d’entrée en vigueur de la contractualisation pluriannuelle diffèrent selon les filières : du 1er janvier au 1er octobre 2022.
Un mécanisme de garantie dit de « tunnel de prix »
De plus, pendant une période de 5 ans, une clause dite de « tunnel de prix » sera expérimentée. Dans cette clause, les parties pourront ainsi convenir, dans la révision des prix des contrats de ventes, de bornes minimales et maximales de prix. Entre ces deux bornes sera automatiquement appliqués la variation des indicateurs de coût de production permettant ainsi à l’agriculteur d’éviter une production à perte. Cette clause facultative pour les autres filières, sera applicable à la filière bovine à partir du 1er janvier 2022.
Le Renforcement du pouvoir des médiateurs dans le monde agricole
La loi Egalim 2 permet aussi le renforcement du pouvoir des médiateurs dans le monde agricole, avec la création d’un comité de règlement des différends commerciaux agricoles. Ce comité sera légitime pour prononcer des injonctions et astreintes si besoin.
Une évolution des relations entre l’industriel et le distributeur
Une sanctuarisation du prix des matières premières
La négociation du prix des matières premières entre l’industriel et le distributeur devient impossible avec Egalim 2. Ainsi, le producteur sera assuré que les prix de ses matières premières seront intouchables dans la chaîne de négociations des prix entre l’industriel et le distributeur.
Cette nouvelle disposition s’applique dès lors que les matières premières représentent au minimum 25% des volumes des produits. Une clause de révision automatique des prix sur les contrats entre fournisseurs et distributeurs devra figurer afin de prévenir d’éventuelles hausses des coûts des matières premières des agriculteurs. Dans le contrat conclu avec le distributeur, l’industriel devra présenter dans ses CGV la part de matières premières sous la forme d’un pourcentage en volume et d’un pourcentage du tarif du fournisseur.
Une mesure de transparence des prix des matières premières
La loi Egalim 2 introduit un mécanisme de transparence du prix des matières premières achetées par les fournisseurs dans les prix de vente. Trois options s’offrent au fournisseur :
- 1. Option 1 (transparence forte) : présenter en détail la part de matière première agricole en pourcentage du tarif. Par exemple : dans le tarif d’une pizza industrielle, la MPA A représente 15%, la MPA B représente 40%, etc.
- 2. Option 2 : présenter de manière agrégée (exemple : les matières premières agricoles représentent 85% du tarif),
- 3. Option 3 : Les fournisseurs ont majoritairement opté pour l’option 3 qui prévoit l’intervention d’un tiers indépendant. Il aura pour rôle de certifier que la négociation commerciale n’a pas porté sur la part de l’évolution du tarif qui résulte de celle des matières premières agricoles (MPA). Cette option, qui prend place une fois la négociation terminée, présente les intérêts suivants : elle préserve le secret des affaires. Le tiers indépendant assurerait la transparence nécessaire.
Un élargissement de la clause de renégociation à tous les produits
Auparavant, un décret définissait les produits alimentaires concernés par la clause de renégociation. Celle-ci concerne désormais l’ensemble des produits alimentaires.
Par ailleurs, seules les fluctuations des coûts des matières agricoles, produits alimentaires et de l’énergie étaient prises en compte pour le déclenchement de la renégociation. Désormais, il faudra également tenir compte du coût du transport et des matériaux entrant dans la composition des emballages.
Les clauses de renégociation et de révision automatique du prix ont des champs d’application et des modalités de déclenchement différents. Les indicateurs ne sont pas nécessairement les mêmes entre les deux clauses. Les parties restent libres de déterminer les indicateurs utilisés pour le déclenchement de la clause.
Une révision de la loi de modernisation de l’économie (LME)
La LME étant un frein à la bonne application d’Egalim, une révision de cette loi permet le retour de la non-discrimination tarifaire. Cette révision devrait permettre de limiter la guerre des prix, puisque l’industriel devra proposer le même tarif à tous les distributeurs de son portefeuille.
Evolution des relations entre le distributeur et les consommateurs
La mise en œuvre d’un label « rémunéra-score »
Afin d’obtenir plus de transparence vis-à-vis du consommateur, un « rémunéra-score » sera expérimenté pendant 5 ans. Ce dispositif permettra aux consommateurs de visualiser l’impact des prix des produits agricoles et alimentaires sur la rémunération des producteurs. Les principales filières concernées seront : la viande bovine, les produits laitiers et certaines filières de l’agriculture biologique.
Une amélioration de la traçabilité des produits
La loi prévoit le renforcement de l’étiquetage des produits. Ainsi, lorsque les ingrédients primaires n’ont pas une origine française, aucune référence à la France (drapeau, carte…etc.) sur l’emballage ne devra figurer. Par conséquent, l’emballage devra mentionner l’origine des viandes utilisées pour les produits reconstitués (saucisses, nuggets…etc.).
Qui sommes-nous ?
Axia Consultants accompagne les Instances Représentatives du Personnel depuis plus de 20 ans sur les enjeux économiques, juridiques, sociaux et en santé au travail. Expert CSE, nous proposons des missions d’expertises, d’assistance ou des formations sur mesure, pour vous accompagner selon vos besoins. Pour plus d’informations :