Lors de la mise en place d’un projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail de plus d’un établissement, seul le CSE central (CSEC) est consulté et peut recourir à une expertise. Par conséquent, seul celui-ci peut désigner un expert dans le cadre d’un tel projet. De quels moyens d’action dispose alors le CSE d’établissement ? Peut-il lui aussi faire appel à un expert ?
Un exemple de double expertise du CSE central et du CSE d’établissement
En février 2018, une entreprise engage une procédure d’information-consultation de ses instances représentatives du personnel dans le cadre d’un projet de réorganisation. Ce dernier impactant l’ensemble des établissements, la direction met en place une instance temporaire de coordination des CHSCT (ICCHSCT). Celle-ci est ainsi consultée sur ce projet. Elle doit rendre des avis sur les mesures d’adaptation du projet communes aux établissements. Cette instance décide alors de recourir à un expert agréé pour :
- étudier le projet et apprécier ses conséquences en termes d’hygiène, de sécurité et de conditions de travail.
- évaluer et prévenir les risques pour la santé des salariés induits par le projet.
En parallèle, le CHSCT d’un établissement décide de faire appel à un expert pour une expertise pour risque grave.
Rappelons que la création de l’ICCHSCT devait empêcher, en cas de projet de réorganisation ou de restructuration touchant une entreprise possédant plusieurs établissements, que chaque CHSCT fasse appel à un expert agréé. Seule l’ICCHSCT peut faire appel à l’assistance d’un expert. En l’absence d’expertise décidée par cette instance, les CHSCT des établissements concernés ne peuvent y recourir pour cette même consultation.
Une contestation par l’employeur au TGI
Ainsi, l’employeur saisit le tribunal de grande instance. Pour annuler cette délibération, il argue que le périmètre d’intervention de l’expert désigné par l’ICCHSCT englobe l’ensemble des CHSCT locaux. Et donc tous les établissements. Le président du TGI tranche en faveur de l’employeur et annule la délibération du CHSCT sur ce motif. Selon lui, l’expertise locale ne constitue pas un critère pertinent dès lors que le périmètre national englobe cet établissement. En outre, la distinction entre le caractère préventif de l’expertise mandatée par l’ICCHSCT et le caractère curatif de celle du CHSCT semble être artificielle. En effet, d’après lui, la finalité de ces expertises est la même :
- dégager des pistes d’actions permettant d’améliorer les conditions de travail des salariés,
- prévenir les risques pour la santé des salariés.
A ce stade, le jugement confirme donc qu’un CHSCT d’établissement ne peut déclencher une nouvelle expertise dont les visées sont similaires à celle mise en œuvre par l’ICCHSCT.
Le désaccord de la Cour de Cassation
Toutefois, la Cour de Cassation conteste le jugement du TGI dans un arrêt du 5 février 2020. Elle explique que la mise en place d’un projet n’exclue pas la présence préalable d’un risque grave, qu’il faut identifier et analyser. Ainsi, l’existence d’un risque grave spécifique à l’établissement, encouru par les salariés et justifiant le recours à une expertise pour risque grave, indépendamment de l’expertise mandatée par l’ICCHSCT, aurait dû faire l’objet d’une étude.
Une jurisprudence a priori transposable au CSE central et aux CSE d’établissement
Désormais, l’ICCHSCT a disparu mais ses attributions demeurent au niveau du CSE central d’entreprise. Dès lors, le CSE devient compétent en matière d’hygiène, de sécurité et de conditions de travail. Ainsi, les dispositions du Code du Travail relatives au CSE central et aux CSE d’établissement présentent des similitudes avec les dispositions réglementant l’ICCHSCT et les CHSCT.
Aussi, la consultation sur les mesures d’adaptation communes à plusieurs établissements d’un projet d’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail ne concerne que le CSEC. Celui-ci peut alors se faire assister par un expert habilité en qualité du travail et de l’emploi.
En parallèle, un CSE d’établissement peut recourir à une expertise au niveau local en invoquant un risque grave. Il doit alors prouver son existence, indépendante du projet. Le risque grave devra être identifié et actuel.
En conclusion, une expertise pour projet d’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, décidée par le CSE central de l’entreprise car commun à plusieurs établissements, ne devrait pas empêcher une expertise pour risque grave, décidée par un CSE d’établissement.
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