Selon la croyance populaire, les petits salaires sont l’apanage des petites entreprises. Erreur ! Au contraire, ce sont les employés des grandes entreprises et des multinationales ou leurs franchisés qui perçoivent des salaires limités aux minima, alors que les employeurs ont vu leurs résultats progresser (au pire, stagner), durant les crises successives depuis 2008.
Un rapport publié aux Etats-Unis l’année dernière dans le cadre de discussions sur une réforme du droit du travail (1), estime la proportion d’employés aux salaires minima travaillant dans les entreprises de plus de cent salariés, aux deux-tiers de l’ensemble des américains les moins bien payés. Ces entreprises portent, pour la plupart, des enseignes mondialement connus comme WalMart, McDonald’s et Yum!, la maison mère de Pizza Hut, KFC et Taco Bell.
Parmi les 50 plus grands employeurs de main d’œuvre aux salaires minima, 45 avaient dégagé des bénéfices durant leurs derniers exercices et 37 avaient amélioré leurs résultats au cours de la récession.
En dollars constants depuis sa création dans les années 1960, le salaire minimum serait aujourd’hui de plus de $10,00 de l’heure, observe le rapport. Les syndicats vont plus loin en comparant la productivité de l’époque et celle d’aujourd’hui, faisant ressortir un taux horaire de $ 21,72 (1).
Il est en réalité de $7,25 depuis 2009 et son augmentation, promise par Barack Obama, est bloquée par son opposition politique qui, par ailleurs, remet en cause le droit syndical et la législation sociale dans de nombreux états.
Les auteurs en concluent à un déséquilibre du partage des richesses. Les plus grands employeurs de main d’œuvre à bas salaire génèrent des résultats au-delà des niveaux obtenus avant la récession, les partageant généreusement avec leurs directoires et actionnaires ; ils pourraient facilement supporter une hausse des salaires minima pour leurs salariés les moins avantagés.
Leur thèse est soutenue par une comparaison des salaires moyens des 10 états américains (industrialisés à l’exception de l’Alaska) les plus touchés, qui montre une dégradation sur les vingt dernières années (Tableau 1).
En France, le salaire moyen net comparable aux montants du tableau 1, s’établissait en 2010, à 13,86 €. Mais ici, l’ensemble des plus bas salaires est financé en partie par l’État grâce aux remises Fillon, et maintenant, le CICE (2). Ainsi, en 2010, tous les salaires jusqu’à 14,17 € étaient partiellement… les américains diraient « subventionnés ».
En déduisant la part de « subvention » du SMIC brut de 2010 (8,86 € – 26%), on obtient 6,56 € à comparer aux montants du second tableau et 6,60 € aujourd’hui (9,43€ – 26% – 4%).
On peut souligner la formidable puissance du lobbying politique des grandes entreprises de services des deux côtés de l’Atlantique. Si le SMIC français semble certes plus favorable, encore faut-il comparer le net et le coût de la vie. Mais en termes de progression du coût du salaire minimum pour les entreprises, le lobby américain a obtenu 0% depuis 2009 aux Etats-Unis contre +0,61% en France depuis le 1er janvier 2010. En tenant en compte l’inflation, c’est donc un recul du coût du travail qui est enregistré dans les deux pays.
Peut-on en conclure que la trappe à bas salaires est plutôt un trou noir planétaire ? On peut le craindre. En prédisant que les travailleurs américains finiront par obtenir une augmentation relativement brusque de leur minima alors que le SMIC progressera plus modérément, l’écart sur les bulletins de paie devra se resserrer.
Un salaire minimum, protège-t-il les salariés de la pauvreté ou au contraire, empêche-t-il d’en gagner davantage ? Le patronat américain dépense en ce moment, des fortunes pour faire croire à la seconde réponse.
Restent les conditions dans lesquelles il faut travailler pour percevoir le salaire minimum et le temps nécessaire à constituer des revenus suffisants pour vivre.
Tableau 1
Évolution des salaires moyens des états les plus industrialisés
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Tableau 2
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Notes :
Source Tableau 2
(1) Articles du Huffington Post (US) 1 et 2.
(2) Entreprise de plus de 20 salariés. La remise Fillon maximale est de 28,1% du salaire brut dans les entreprises de moins de 20 salariés. Le CICE est de 4% en 2013 et 6% en 2014.