Considérée comme une avancée sociale par les organisations syndicales et par les salariés qui ne subissent plus de perte sèche en cas d’arrêt de travail, la subrogation comporte des risques. Elle peut entraîner la récupération plus ou moins consciente par l’entreprise d’une partie des indemnités journalières versées par la Sécurité Sociale. Voici quelques principes à se remémorer lors des négociations.
Jours calendaires vs. Jours ouvrés ou ouvrables.
La Sécurité Sociale indemnise sur la base de jours calendaires alors que les entreprises utilisent soit les jours ouvrés (1) ou ouvrables (2).
Prenons un exemple fictif mais concret d’un salarié arrêté 10 jours par son médecin. Selon le jour du début de l’arrêt, le nombre d’indemnités journalières complémentaires à la charge de l’entreprise diffère.
Premier exemple. Le salarié est indemnisé 7 jours par la Sécurité Sociale + un complément de l’employeur durant 3 jours.
Second exemple. Le salarié est toujours indemnisé 7 jours par la Sécurité Sociale mais le complément ne concerne qu’une journée (Samedi et Dimanche n’étant pas des jours ouvrés).
Troisième exemple. Toujours 7 jours d’indemnisation par la Sécurité Sociale. Le complément versé par l’entreprise couvre 2 jours (le Dimanche n’étant pas un jour ouvré).
Avec la subrogation, c’est l’employeur qui perçoit les IJSS. Il existe donc un risque, dans les premier et troisième exemples que l’entreprise récupère les IJSS des samedi et dimanche.
Des employeurs peu scrupuleux pourraient également entretenir la confusion en faisant croire que la franchise de la Sécurité Sociale est comptée en jours ouvrés. Cela permettrait dans le second exemple de récupérer deux autres IJSS. Enfin, dans un cas réel, nous avons constaté qu’un employeur pratiquant la subrogation appliquait la franchise de l’indemnisation complémentaire sans tenir compte de celle de la Sécurité Sociale, ainsi pour tout arrêt inférieur à une semaine, il récupérait les IJSS à son profit.
Calcul des IJSS
Pour un accident du travail, le « gain journalier de base » d’un salarié mensualisé est égal à 1/30,42 du montant de la dernière paie. L’IJSS est de 60% du 1er au 28ème jour de l’arrêt et de 80% à partir du 29ème jour d’arrêt (3).
Pour un arrêt de maladie, le « gain journalier de base » est d’1/91,25ème des 3 derniers salaires (4). A partir du 4ème jour, l’IJSS est de 50% de ce montant. Elle est majorée à partir du 31ème jour pour les salariés ayant au moins 3 enfants à charge.
Dans le cadre de la subrogation, il convient de vérifier que cette majoration soit toujours répercutée au salarié.
Par ailleurs, le calcul du gain journalier se base sur les salaires bruts. Depuis le 1er janvier 2012, un plafond est instauré représentant 1,8 fois le SMIC correspondant, pour la maladie, à une indemnité maximale de 41,38 € (5). Mais en-dessous de ce plafond, les heures supplémentaires, primes et gratifications diverses soumises à cotisations sociales (6) viennent majorer l’IJSS.
La jurisprudence (7) admet que ce différentiel doit profiter au salarié.
La vocation de la « Garantie au net » est précisément de récupérer plus ou moins ouvertement ces sommes au profit de l’entreprise. Les fondements juridiques étant à notre avis contestables, une clause est nécessaire dans l’accord de prévoyance stipulant que « en aucun cas, le salarié ne pourra gagner davantage lors d’un arrêt de travail que s’il était présent à son poste ». Les négociateurs auront intérêt à faire expliciter très précisément de telles notions « de bon sens ».
Enfin, rappelons qu’en cas de différend sur l’interprétation de tels accords, le litige est individuel et nécessite de reprendre les éléments de chaque dossier pour obtenir réparation devant le Conseil de prud’hommes.
Notes :
(1) Jours réellement travaillés (5 par semaine)
(2) Jours pouvant être travaillés (6 par semaine – par référence au dimanche chômé)
(3) Davantage sur le calcul des IJSS en cas d’accident du travail
(4) Davantage sur le calcul des IJSS en cas de maladie
(5) 55,17 € à partir du 31ème jour pour les salariés ayant au moins 3 enfants à charge.
(6) Donc hors intéressement, participation, etc.
(7) En tout état de cause, l’employeur ne peut prétendre à la subrogation pour un montant supérieur aux sommes qu’il a effectivement versées au salarié. Ainsi, si les indemnités journalières de la Sécurité sociale ont été calculées sur un salaire majoré comprenant par exemple une prime, une gratification ou tout autre avantage soumis à cotisations,l’employeur est subrogé dans les droits du salarié dans la limite des sommes qui lui a effectivement versées au titre de la rémunération servie pendant son absence. Dès lors qu’après avoir relevé que le montant des indemnités journalières que l’employeur a perçues directement de la Sécurité sociale était plus important que la rémunération versée par l’employeur au salarié pendant ses arrêts de travail, le conseil de prud’hommes condamne à bon droit la société à reverser la différence au salarié.
Cass. soc., 17 déc. 1987, no 85-42.859, Sté Banque centrale des coopératives et des mutuelles c/ Desmortreux Cass. soc., 7 juill. 1993, no 89-44.060, no 2602 P, Sté Carnaud Cofem c/ Bernardin : Bull. civ. V, no 195
Dans cette situation, en cas de subrogation, le différentiel est versé directement à l’assuré salarié.
Circ. CNAMTS no 106/2001, 13 août 2001
(8) http://blog.axia-consultants.com/2010/la-paie-les-petits-ruisseaux-font-de-grandes-rivieres