A la suite de l’élection de François Mitterrand à la présidence de la République en 1981, le gouvernement socialiste renforça les pouvoirs des organisations syndicales et des comités d’entreprise. Sans aller jusqu’à une cogestion à l’allemande, un certain nombre d’avis sur la marche économique et sociale de l’entreprise doivent obligatoirement être obtenus par l’employeur, en principe avant de passer à l’acte.
Au fil des ans, de nouvelles consultations du CE ont été introduites afin de freiner et de cadrer les licenciements économiques, les offres publiques d’achat (OPA), les fusions/absorptions, et plus récemment des problématiques sociales telles que l’égalité professionnelle et les discriminations, pour en nommer quelques unes.
Considérant que ces nouvelles attributions font appel à des compétences que les membres du CE ne possèdent pas forcément dans le cadre de leur fonctions professionnelles, le législateur accompagne ces mesures par l’obligation pour l’employeur de verser une subvention de fonctionnement au Comité d’Entreprise. Le principal objectif de ce budget est de permettre aux élus de se former et de se doter d’un accompagnement professionnel par des experts ou des avocats en cas de conflit majeur tel que la suppression d’emplois.
Cette obligation a donné lieu à de nombreuses jurisprudences à travers des procédures initiées aussi bien par les CE et les organisations syndicales que des entreprises.
L’une des premières questions tranchées fût la mise à disposition de personnel, la Cour de Cassation estimant que lorsque l’employeur mettait déjà du personnel à disposition du CE, le coût devait être évalué en fonction de la répartition de son temps entre la gestion des activités sociales et culturelles et le fonctionnement propre du CE et réparti proportionnellement entre les deux budgets.
La mise à disposition d’un local et de son équipement restent à la charge de l’employeur, tout comme l’assistance de l’expert-comptable dans l’examen des comptes de l’entreprise, ceci dans un souci d’équité entre les CE.
En revanche, la Cour de Cassation a laissé des coûts à la charge du budget de fonctionnement, tels que des certains frais de déplacement, de préparation des comptes rendus…
La stratégie des entreprises consistait à placer à la charge du budget de fonctionnement les coûts réguliers auparavant assumés par leurs soins afin de limiter les possibilités des CE à employer ces finances pour combattre leurs politiques économiques et sociales.
Le résultat, en termes de jurisprudence, fût une stricte séparation des deux budgets des CE. Malgré les craintes du côté des organisations syndicales de salariés, le gouvernement actuel n’a pas cédé aux nombreuses demandes du Medef allant dans le sens d’une fusion des budgets.
Sur le plan légal, il est toujours interdit de financer des activités sociales et culturelles avec le budget de fonctionnement et vice-versa. Lorsque les coûts peuvent être partagés entre les deux budgets, ils doivent l’être. Par exemple, une publication de 10 pages communiquant pour 4 pages sur des questions sociales en débat avec l’employeur et pour 6 pages sur les activités sociales, devrait être répartie pour 60% de son coût sur les ASC et 40% sur le fonctionnement.
Néanmoins, sur le terrain, cette obligation est peu respectée. D’autres forces sont à l’œuvre…
L’argument de la transparence des comptes amène bien des CE à l’imprudence quant aux informations communiquées par leurs soins. La nécessaire thésaurisation du budget de fonctionnement est désignée comme un acte honteux « alors qu’il n’y en a pas assez sur les ASC ». A défaut de jurisprudence, certaines revues juridiques n’hésitent pas à offrir leurs analyses favorables à la confusion des budgets. Les entreprises et leurs organisations poussent au vice tout comme certains commerciaux qui en profitent pour miroiter un coût moins élevé de leurs prestations. Ainsi, les élus peuvent céder aux pressions et prendre, sans le savoir, des risques mettant en cause leur responsabilité personnelle.
La philosophie du budget « des 0,20% » (minimum) est bien de financer le fonctionnement du CE dans son rôle d’instance représentative du personnel. Cela passe notamment par l’acquisition de compétences pour le CE soit par la formation et la documentation des élus soit par l’apport d’expertise, et la diffusion des informations sur la marche économique de l’entreprise aux salariés.
A ce jour, la gestion et le fonctionnement des activités sociales ne relève pas de cette partie du rôle du CE.