L’absence de motif économique à un plan de sauvegarde de l’emploi, relève-t-elle d’une contestation collective à priori ou individuelle à postériori ? Telle est la question tranchée favorablement aux salariés par la Cour d’appel de Paris le 12 mai dernier, annulant un PSE pour défaut de motif économique. Mais la poursuite en cassation pourrait encore modifier la donne…
A la fin de l’année 2009, Viveo Group est racheté par un concurrent suisse, Temenos. Consulté sur cette opération, le Comité d’Entreprise de sa filiale Viveo France déclenche une procédure de droit d’alerte. Fin janvier 2010, il est convoqué à une première réunion de consultation sur un projet de restructuration entraînant la suppression de 64 des 180 emplois au sein de cette société.
Le CE considère d’une part, les dispositions du PSE insuffisantes et d’autre part, le motif économique inexistant au vu des informations communiquées. Au terme de la procédure et après présentation du rapport d’un expert-comptable, le CE saisit la justice afin d’obtenir « l’annulation de la procédure de licenciement collectif et de tous les effets de cette procédure ».
Le Tribunal de Grande Instance, saisi en référé, déboute le CE au motif qu’« il n’appartient pas au juge, saisi de la nullité de la procédure de licenciement pour violation des dispositions légales de l’article L. 1235-10 du Code du travail, d’apprécier dans le cadre de cette action, les motifs économiques invoqués par l’employeur ».
La Cour d’appel de Paris a jugé le contraire donnant raison au Comité d’Entreprise dans son argumentation selon laquelle « la cause économique est le postulat de base de la procédure collective de licenciement, et […] celui du licenciement de chacun des salariés compris dans cette procédure ».
La société argumente que « l’absence de motif économique à une procédure de licenciement économique collectif ne peut être sanctionnée qu’à posteriori, une fois la procédure de consultation du comité achevée et le licenciement notifié, le conseil de prud’hommes ayant, alors, tout pouvoir pour déclarer, en conséquence, ce licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ».
Deux arguments aux conséquences bien différentes pour les salariés car intervenant à différentes étapes de la procédure.
Dans le premier cas, l’annulation du PSE et la nullité des licenciements projetés peut intervenir alors que l’activité de l’entreprise permet leur maintien.
Dans le second, la décision de justice interviendrait bien trop tardivement. Le seul recours du salarié serait une contestation auprès du Conseil des Prud’hommes après son licenciement ou son acceptation d’une Convention de Reclassement Personnalisée. La réintégration étant peu pratiquée, l’issue pourrait être une indemnisation du préjudice subi, dont le minimum dans ce cas est de 12 mois de salaire.
La position de la Cour d’appel soulève déjà des voix d’un certain patronat qui y voit une incursion des juges dans l’économie des entreprises. Mais une inversion serait une porte ouverte aux PSE « boursiers »…