Dans le monde entier, croissance neutre et stagnation des salaires sont à l’origine des difficultés financières d’un nombre croissant de salariés, en particulier, les moins rémunérés. « Les travailleurs pauvres » doivent non-seulement faire face à une explosion mécanique de leurs taux d’endettement mais aussi aux prédateurs d’un marché douteux du crédit facile.
En France, nous sommes encore à l’abri du boum des « prêts sur salaire » (payday loans) des pays anglo-saxons. Il s’agit de petites avances en espèces, non-sécurisées, remboursables en une ou plusieurs fois, mais à court terme. Dans les pays où les salaires sont hebdomadaires, ces prêts peuvent être accordés sur quelques jours à quelques mois. Le taux d’intérêt est astronomique, considérant sur une avance de 100 €, un intérêt de 15 € sur une quinzaine, il peut se situer entre 300 et 3000% l’an.
La législation concernant ces prêts est très variable en fonction du pays, voire de l’état. Aux États-Unis, alors que certains les interdisent totalement, d’autres n’ont aucune législation restrictive les concernant. Des officines proposent même d’encaisser, moyennant rémunération significative, des chèques à l’ordre d’un tiers et de lui remettre sa part en espèces ainsi évitant que l’argent ne tombe dans les mains du banquier de l’intéressé sur un compte à découvert.
Ces organismes financiers ont le culot de se plaindre du taux d’impayés, qu’ils situent entre 10 et 20%, taux très contestés par les observateurs indépendants dont les plus optimistes retiennent 5%. Quoiqu’il en soit, ce taux de défaillance est intégré dans le modèle économique et ne créé aucune surprise pour ces organismes « bienfaiteurs » des salariés pauvres.
En revanche, les Français n’échappent pas aux crédits à la consommation rechargeables (parfois appelés « crédit revolving » ou « crédit permanent »), dont les officines connaissent tout autant la prospérité en période de crise avec des taux d’intérêt avoisinant généralement les 20%.
75% des dossiers de surendettement impliquent 4 et plus de ces prêteurs dont l’offre initial de crédit est approuvé, parfois sans le savoir, en demandant une carte de fidélité d’un grand magasin ou un paiement « gratuit » en 4 fois. Le piège est tel que le remboursement de l’un libère l’argent pour payer l’échéance du suivant en générant une créance d’intérêts et de frais auprès de chaque organisme.
Que peut faire un CE ?
Le CE peut déjà lutter contre ces pratiques en informant les salariés de leurs droits et des pièges à éviter.
Pour les cas extrêmes, il peut assister les salariés à l’élaboration d’un dossier de surendettement, soit en formant un ou plusieurs élus ou bénévoles, soit en confiant cette gestion à une association ou un professionnel moyennant contreparties.
Il peut mettre en place des prêts aux salariés garantis contractuellement dont le remboursement sera assuré par prélèvement sur compte bancaire. Les montants, qui doivent rester modestes, les mensualités et les conditions du prêt doivent être encadrés et votés par le CE. Le CE peut également attribuer des secours, exonérés de cotisations sociales à condition qu’ils conservent un caractère modeste et exceptionnel.
Enfin, la loi prévoit deux dispositions permettant de solliciter l’employeur, l’une obligatoire, l’autre soumise à son approbation, à utiliser là aussi, avec précaution, pour éviter toute systématisation, mais dépourvues de frais, d’intérêts et de sanctions lorsqu’un salarié est victime d’un accident de la vie.
1) L’acompte sur salaire
Tout salarié mensualisé peut solliciter et obtenir un acompte sur salaire correspondant au terme d’une quinzaine de travail, à la moitié de sa rémunération (1), sans fournir ni justification ni explication de sa demande à l’employeur. Il s’agit d’une avance dans l’attente de l’établissement du bulletin de salaire. La somme remise est nette de cotisation sociales, l’employeur se chargeant d’en déduire la totalité de celles-ci lors de la remise du bulletin de paie qui fera mention de l’acompte. Certaines entreprises assouplissent cette pratique offrant la possibilité de plusieurs dates de remises d’acompte en cours de mois.
(1) Article L. 3242-1 du Code du travail
2) L’avance sur salaire
Un salarié peut demander une avance sur salaire à son employeur, de préférence, avec une confirmation par écrit. Contrairement à l’acompte, l’employeur n’est pas dans l’obligation de l’accorder. S’il accepte, le remboursement peut se faire par mensualités déduites et mentionnées sur le bulletin de paie, à condition que celles-ci ne dépassent pas le dixième du montant du prêt (2). Dans le cas contraire, l’employeur doit prélever les remboursements sur le compte bancaire du salarié. Dans les entreprises dotés de CE, il est possible de négocier l’acceptation d’avances sur salaire dans la limite d’une enveloppe officielle ou officieuse financée sur les provisions pour congés payés.
(2) Article L3251-3 du Code du travail